lundi 29 juillet 2013

Analyse climatologique pour le mois de mai 2013 (source : Météo Suisse)


En mai 2013, l’office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse a relevé des températures inférieures à la norme 1981-2010 de l’ordre de 1.5 à 3.5 degrés avec un déficit thermique le plus marqué en Suisse romande. Il s’agit du mois de mai le plus froid depuis 1991. De plus, mai 2013 a été humide dans tout le pays où l’équivalent de 130 à 200% de la norme des précipitations a été mesuré. Le mois a été également exceptionnellement peu ensoleillé. En Haute-Engadine et au Jungfraujoch, il s’agit du mois de mai le moins ensoleillé depuis le début de la série de mesures en 1959.

De violents orages au début du mois


Le mois a débuté avec des conditions météorologiques chaotiques. Le 1er mai, une couche de stratus a parfois persisté jusque dans l’après-midi au Nord des Alpes, ce qui rappelait des conditions de saison froide. Après la dissipation des stratus, la température a grimpé jusqu’à 18-21 degrés, mais le pied nord du Jura est resté dans la fraîcheur avec 16.3 degrés à Bâle et 12.8 degrés Fahy (596 mètres) en Ajoie. Ce même jour, le foehn a soufflé dans les vallées alpines, faisant grimper le thermomètres jusqu’à 26.3 degrés à Bad Ragaz/SG, dans la vallée du Rhin. Au-dessus de la couche d’inversion, la masse d’air était si instable que des cumulus se sont développés l’après-midi en allant localement jusqu’à des orages parfois forts. La région de Fahy a vécu un événement rare : le stratus est resté compact jusqu’à l’arrivée d’une zone orageuse. 

Une imposante cellule orageuse s’est développée dans l’Emmental, puis s’est déplacée vers l’Entlebuch, la région de Lucerne/Root, Sins jusqu’à Horgen/ZH. Des grêlons avec plusieurs centimètres de diamètre ont été observés et le vent a soufflé jusqu’à 65 km/h à Lucerne. Le 2 mai, de l’air froid était présent sur les régions de plaine, favorisant à nouveau la formation d’une couche de stratus. Au-dessus de cette limite, de l’air chaud d’origine nord-africaine a été transporté en direction des Alpes avec du sable du Sahara, qui était déjà présent la veille. Dans cet air très instable, de nouveaux foyers orageux se sont formés. Ceux-ci se sont localement montrés violents. A Schaffhouse, il est tombé une lame d’eau de 32.8 mm en 10 minutes entre 18h40 et 18h50. Il s’agit de la plus importante somme de précipitations tombées en 10 minutes depuis que l’on mesure automatiquement les précipitations toutes les 10 minutes au début des années 1980 et ceci pour n’importe quel endroit du Nord des Alpes et des Alpes. Le record suisse reste à Locarno-Monti au Tessin avec une somme pluviométrique sur 10 minutes de 33.6 mm. 

Des orages violents ont également affecté d’autres régions. Des chutes de grêle conséquentes ont touché la région de Thoune. La rive droite du canton de Genève a également été touchée par la grêle. A Zurich-Affoltern, il est tombé une lame d’eau de 35.1 mm en 20 minutes, à Ebnat-Kappel de 45.1 mm en 30 minutes et à Schaffhouse de 46.6 mm en 30 minutes. Au total, cette ville a recueilli une lame d’eau de 52 mm en moins de 2 heures, soit l’équivalent de plus de la moitié d’un mois de pluie (normes 1981-2010 pour mai de 88 mm). Des grêlons de la taille d’une balle de pingpong ont été relevés à Thoune. 

Première décade de mai chaude et changeante


Le 3 mai, une dépression alpine se décalant lentement vers l’est a encore provoqué une nébulosité importante avec des précipitations. Ensuite, les conditions météorologiques sont devenues plus calmes. Le 4 mai, le soleil est revenu au Sud des Alpes, le 5 mai également au Nord. Le 8 mai était une journée ensoleillée. Les autres jours étaient caractérisés par un temps changeant. Du 5 au 7 mai, quelques précipitations se sont produites dans les Alpes d’ouest en est. Les températures étaient encore chaudes. Les journées les plus chaudes du mois ont été mesurées au cours de cette décade : les 1er et 2 mai en haute-montagne, sur les crêtes du Jura et dans les vallées à foehn, le 8 mai sur les régions de plaine, le 9 mai sur le Sottoceneri et le sud-est des Grisons. Cependant, les valeurs maximales en plaine n’ont pas été supérieures à 22-24 degrés.

Deuxième décade grise, fraîche et, surtout au Sud, humide 


Le 9 mai, les conditions météorologiques se sont dégradées et le 10 mai a été généralement pluvieux et frais. La barre des 20 degrés n’était atteinte que localement au Tessin. De l’air frais et humide a envahi la région alpine. Au début, un courant du nord-ouest a dirigé de l’air polaire vers les Alpes. Le 12 mai, les températures étaient comprises entre 12 et 14 degrés seulement sur le Plateau. Le soleil s’est montré avare de ses rayons jusqu’au 13 mai et il a souvent neigé jusque vers 1500 mètres d’altitude le long des versants nord des Alpes. Seul le Sud des Alpes a profité d’un temps assez ensoleillé en raison du foehn du nord avec des températures comprises entre 22 et 24 degrés. Le 13 mai, la station de Grono/GR a relevé une valeur de 25.9 degrés. C’est la seule station du Sud des Alpes à avoir enregistré un jour de chaleur en mai 2013.

Le 14 mai, les vents en altitude se sont orientés au sud-ouest puis au sud, si bien qu’une situation persistante de barrage s’est mise en place au Sud des Alpes jusqu’au 21 mai avec de fortes précipitations, notamment les 16, 17 et 19 mai. Du Simplon au Binntal (Haut-Valais), au Tessin et au Sud des Grisons, il est généralement tombé entre 150 et 270 mm de précipitations en 8 jours. Les sommes pluviométriques les plus élevées ont été recueillies dans le val Maggia : 325.9 mm à Càmedo dans les Centovalli, 372.4 mm à Robiei dans le val Bavona. Pendant ce temps, du 14 au 18 mai, le foehn a permis au soleil de fréquemment briller au Nord des Alpes. Les températures maximales ont pu être supérieures à 20 degrés, mais en Suisse romande que le 14 mai. Les autres jours, le temps au Nord était souvent gris, frais et fréquemment pluvieux, notamment en Suisse romande. Retour de conditions de fin d’hiver au cours de la dernière décade. 

Le 21 mai, le centre dépressionnaire s’est déplacé vers le nord, en direction de la Scandinavie. Ainsi, les vents se sont à nouveau orientés au nord-ouest. La zone principale des précipitations s’est décalée sur la Suisse alémanique et surtout le long des versant nord des Alpes. Les températures qui étaient déjà basses pour la saison se sont davantage rafraîchies au Nord. 

Le 24 mai, on mesurait des températures entre 7 et 9 degrés inférieures à la norme 1981-2010 et même jusqu’à 12 degrés en altitude. Sur les régions de plaine de la Suisse alémanique, les températures étaient comprises entre 2 et 10 degrés et la limite des chutes de neige s’est abaissée jusque vers 700 mètres. Il faisait un peu moins froid au Sud des Alpes. Là-bas, le foehn du nord a asséché la masse d’air et le temps était au moins en partie ensoleillé avec des températures maximales comprises entre 15 et 17 degrés. Au Nord, le temps humide et très frais a persisté jusqu’au 26 mai. 

A partir du 27 mai, les conditions météorologiques ont nettement évolué vers des températures plus chaudes et un ensoleillement plus généreux. Cependant, le 28 mai déjà en seconde partie de journée, un nouveau front froid est arrivé. A l’avant, des orages parfois forts ont éclaté dans le Jura et sur le Plateau avec des rafales de vent comprises entre 60 et 85 km/h et localement de la grêle. La nuit suivante, la neige s’est abaissée jusque vers 700 mètres d’altitude, notamment dans les Alpes orientales. Le 29 mai dans l’après-midi, les températures n’étaient comprises qu’entre 10 et 12 degrés. 

Précipitations exceptionnelles au changement du mois


A la fin du mois, une dépression centrée à l’est de la Suisse a déterminé le temps dans les Alpes. Le 31 mai, le centre dépressionnaire était située sur la Tchéquie. La dépression a rabattu de l’air méditerranéen très humide dans un courant d’altitude de nord à nord-est, tandis que de l’air maritime polaire affluait dans les basses couches dans un courant de nord-ouest. La rencontre entre ces deux masses d’air a favorisé un soulèvement, ce qui a provoqué des précipitations abondantes en Suisse alémanique, notamment dans la nuit du 31 mai au 1er juin. 

Les précipitations les plus abondantes sont tombées dans les régions à barrage du Centre et de l’Est des versants nord des Alpes, en particulier du Walensee au lac de Constance, où on a relevé une lame d’eau comprise entre 80 et 150 mm. Des Alpes schwytzoises au Pays appenzellois, il est même tombé entre 150 et 200 mm de précipitations. La sommes pluviométrique la plus élevée sur 2 jours a été recueillie à Schwägalp/AR avec 245.2 mm. Au moment de la rédaction de ce bulletin, les données de certains postes pluviométriques n’étaient pas encore complètement disponibles.

Dans une grande région située à proximité du Säntis, MétéoSuisse a relevé de nouveaux records de somme pluviométrique sur 2 jours. Certaines mesures ont débuté il y a plus de 100 ans, ce qui rend les records encore plus remarquables. A Teufen/AR (début des mesures en 1901), il a été mesuré une lame de 190.9 mm en 2 jours (précédent record le 30.05.1940 avec 177.0 mm). A Altstätten/SG, il a été recueilli une lame d’eau de 183.9 mm en 48 heures (précédent record le 10.01.1914 avec 180.7 mm). A Appenzell (début des mesures en 1891), avec 173.0 mm, le record du 14 juin 1910 de 177.8 mm n’a juste pas été dépassé. Parmi les données disponibles, l’endroit le plus arrosé de l’événement se situe donc à Schwägalp avec 245.2 mm. Pour cette station qui n’a une série de mesures que depuis 40 ans, il s’agit tout de même d’un record remarquable qui pulvérise le précédent record de 193.9 mm en 2 jours, relevé lors des intempéries d’août 2005.

Pour la région s’étendant du Walensee au lac de Constance, les intempéries du 31 mai au 2 juin 2013 ont été plus importantes que celles d’août 2005. Ces intempéries ont eu pour conséquence des glissements de terrain, des inondations et des débordements de cours d’eau. Cela a essentiellement touché toutes les régions situées le long du Centre et de l’Est des versants nord des Alpes, mais les dangers ont été heureusement fortement limités.

Lors des intempéries d’août 2005 et de mai 1999, les dégâts avaient été nettement plus importants, car les régions concernées par les précipitations abondantes étaient plus étendues. Une autre raison qui a limité les dégâts par rapport à août 2005 était la limite des chutes de neige qui était située vers 2300 mètres au cours de cet événement, alors qu’elle se situait 1000 mètres plus haut en août 2005, vers 3300 mètres. Par conséquent, en août 2005, presque toute l’eau tombée s’écoulait directement vers la plaine, tandis que cette fois-ci, une partie des précipitations s’est stockée sous forme de neige.

Ces intempéries ont particulièrement frappé les pays situés à l’est de la Suisse où le niveau de certains fleuves ont battu des records de hauteur avec des inondations, ainsi que des victimes humaines. 

En Suisse, les régions Nord Jura, Plateau central et oriental, ainsi que les Alpes bernoises et fribourgeoises ont été moins concernées par les intempéries. Dans ces régions, il est tombé entre 40 et 75 mm de précipitations en 24 heures environ, et même parfois moins de 30 mm sur le pied nord du Jura et le long la frontière avec le Rhin.

Végétation : développement plutôt tardif en plaine, normal en altitude 


La floraison des cerisiers qui s’est produite au début du mois de mai jusqu’à une altitude de 1000 mètres, a eu lieu à des dates conformes à la norme 1981-2010 avec un écart compris entre -8 et +8 jours. Les pommiers et les poiriers ont débuté leur floraison entre début mai et mi-mai. Alors que la floraison des pommiers a été plutôt tardive sur le Plateau (-2 à +12 jours), cette phase s’est produite à des dates conformes à la norme, voire légèrement en avance (+1 à -10 jours) à des altitudes plus élevées. Dans les régions en altitude du Tessin, la floraison des poiriers a été très tardive avec un écart de 11 à 13 jours par rapport à la norme. 

Le déploiement des feuilles du hêtre avait débuté en avril et s’est poursuivi en mai au-dessus de 700 mètres d’altitude. Cette phase de végétation s’est située à des dates conformes à la norme à légèrement en avance (+3 à -7 jours). Le déploiement des aiguilles du mélèze a pu être observé à des altitudes supérieures à 900 mètres. Cette phase s’est produite à des dates plus ou moins conformes à la norme. Un constat similaire s’applique également pour le déploiement des feuilles et la floraison du marronnier. Pour cette espèce, les dates ont été conformes à la norme avec un écart négatif ou positif de l’ordre de la semaine.

Pour les plantes herbacées, les dernières anémones des bois ont été observées entre 1000 et 1650 mètres d’altitude, ce qui a correspondu à des dates parfois conformes à la norme à tardives avec un retard supérieur à 10 jours. La floraison des dents-de-lion s’est poursuivie à des altitudes supérieures à 600 mètres. Selon les différentes stations, cette phase était parfois en avance, parfois en retard avec des écarts compris entre -14 et +14 jours.

La saison pollinique a été influencée par un temps peu ensoleillé avec de nombreux jours pluvieux. Dans de telles conditions, les pollens ne volent pas bien. La saison pollinique du bouleau s’est terminée sur le Plateau et au Tessin au cours de la première semaine de mai. Elle n’a duré en moyenne que pendant 18 jours, ce qui est nettement plus court que la moyenne qui est de 27 jours (période 1993-2012). Le nombre de journées avec une forte concentration pollinique, qui se produit principalement lors de journées ensoleillées, a été de 12 jours, alors que la moyenne se situe à 17 jours. La saison pollinique du frêne a débuté entre fin avril et début mai, ce qui a correspondu à un retard d’environ 8 jours par rapport à la moyenne 1993-2012. La charge pollinique a été d’intensité moyenne. Les premiers pollens de graminées ont été mesurés à partir de la première et deuxième semaine de mai au Nord des Alpes. En Suisse alémanique, cette phase ne s’est produite que légèrement plus tard que la moyenne, alors qu’en Suisse romande, le retard a parfois été supérieur à 10 jours. A partir de la mimai, certaines stations de mesures ont déjà pu relever de fortes concentrations de pollen de graminées, ce qui a été en retard de quelques jours par rapport à la moyenne.

Bilan du mois


Avec un déficit thermique compris entre 1.5 et 3.5 degrés par rapport à la norme 1981-2010, il s’agit du mois de mai le plus froid depuis 1991. Seules de rares stations ont mesuré une journée de chaleur en mai 2013 : Bad Ragaz avec 26.3 degrés, Coire avec 25.1 degrés, Sion avec 25.2 degrés et Grono avec 25.9 degrés. A Lugano et Locarno, la température n’a jamais atteint les 25 degrés. A Lugano, cela n’était pas arrivé depuis mai 1987 et 1988, à Locarno depuis 1984. En mai 1984 et 1980, les températures maximales à Locarno et à Lugano étaient même restées inférieures à 22 degrés. 

Les précipitations ont été presque partout supérieures à la norme 1981-2010, sauf localement sur le pied nord du Jura, en Basse-Engadine et dans la val Münster. MétéoSuisse a relevé l’équivalent de 150 à 200% de la norme des précipitations sur le Sopraceneri, le Nord et le Centre des Grisons, en Valais, sur le Centre et l’Est des versants nord des Alpes, ainsi que dans les cantons de Saint-Gall et de Zurich. Il a été mesuré de 130 à 170% de la norme sur la région du Napf, ainsi que dans les Alpes bernoises et vaudoises. 

Par ailleurs, mai 2013 a été exceptionnellement sombre. Sur la plupart des régions du pays, le soleil n’est apparu qu’entre 20 et 35% du temps possible. C’était un peu mieux sur le Tessin central et méridional avec un ensoleillement relatif proche de 40% et même supérieur à 40% dans certains endroits du Valais. D’une manière générale, l’ensoleillement a été compris entre 45 et 65% de la norme 1981-2010. En Valais et au Tessin, il a parfois atteint 75% de la norme. Malgré cela, pour le Valais, il s’agit d’un mois exceptionnellement sombre puisque la dernière fois où le soleil était encore moins apparu remonte à mai 1984. Ce constat s’applique également de la région zurichoise à Schaffhouse, pour la région du Rhin supérieur, pour la Suisse romande, ainsi que pour l’Engadine et le val Poschiavo. Au Jungfraujoch et en Haute-Engadine, il s’agit même du mois de mai le moins ensoleillé depuis le début des mesures d’ensoleillement en 1959.

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